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Bienvenue dans l’ère du divorce aux cheveux gris

En 2012, une étude de la Bowling Green State University, en Ohio, a fait couler beaucoup d’encre chez nos voisins américains. Elle révélait que le taux de divorce des personnes retraitées ou à l’aube de la retraite avait plus que doublé, aux États-Unis, sur une période d’à peine 20 ans.



Comme on peut en juger par ces graphiques, les augmentations ont été spectaculaires ces dernières années et le taux actuel devrait se maintenir au cours des 20 prochaines années. En fait, alors qu’en 1990, un divorce sur 10 impliquait des personnes de 50 ans et plus, cette proportion serait d’environ un divorce sur quatre depuis 2010.

Et chez nous ?

Difficile de savoir ce qu’il en est au Canada, puisque Statistique Canada ne compile plus de données sur les divorces et que ses derniers relevés datent de 2008. Cependant, on peut présumer que le phénomène est aussi présent chez nous, puisque l’âge moyen auquel les Canadiens divorcent est en hausse constante depuis de nombreuses années.



À qui la faute ?

Selon les spécialistes qui se sont intéressés au phénomène, plusieurs facteurs se conjugueraient pour créer cette tendance, au premier rang desquels les quatre suivants.

  • Le divorce est mieux accepté socialement
    En fait, il est même passé dans les mœurs et il ne représente plus la rupture brutale qu’il était il y a quelques décennies.
  • Les femmes ont acquis une plus grande autonomie financière
    Cela permet à un plus grand nombre d’entre elles d’envisager sereinement le reste de leur vie hors de leur couple actuel.
  • Les baby-boomers arrivent à une étape charnière de leur vie
    Ils se retrouvent à un carrefour de leur existence avec une vision de la vie et des moyens fort différents de ceux des retraités d’antan. Leurs enfants sont devenus autonomes, et ils reconquièrent une capacité de réaliser les projets qu’ils ont retardés durant leurs années actives. Plusieurs en profitent pour faire le bilan de leur couple et, parfois, repartir sur de nouvelles bases avec un nouveau partenaire.
  • Et, enfin, l’espérance de vie est plus longue
    Miser à 55, 60 ou 70 ans sur la chance d’un plus grand bonheur dans le cadre d’une nouvelle union ne paraît plus du tout insensé.
De nouveaux défis financiers

Cette tendance crée une toute nouvelle réalité en termes de finances personnelles. Un grand nombre de planifications financières et fiscales sont basées sur la situation financière combinée des deux membres du couple. Il s’agit de ce genre de situation où « le tout est plus important que la somme de ses parties ». En ramenant la situation de chacun à un revenu unique, la séparation crée une certaine pression sur les finances personnelles et le style de vie. Des dépenses partagées (logement, voiture, taxes, assurances et autres) deviennent des dépenses en double et certains dispositifs fiscaux ne s’appliquent plus. La question des régimes de retraite et du fractionnement des revenus de retraite peut, en particulier, devenir très délicate à gérer.

Les divorcés retraités qui sont en phase de décaissement sont également plus vulnérables, puisque leurs chances de « se refaire » en cas de coup dur sont plus faibles que s’ils étaient encore en phase d’accumulation. Plusieurs chercheront des sources de revenu alternatives, quitte à retourner sur le marché du travail. On constate d’ailleurs que le segment des femmes de 55 ans et plus est présentement l’un des plus actifs sur le marché de l’emploi.

Une nouvelle réalité sociale

Le « divorce aux cheveux gris » pourrait aussi avoir une incidence sociale dont les décideurs publics devront tenir compte. Les contraintes financières qui y sont associées, en effet, pourraient se traduire par une augmentation de la pauvreté chez les personnes âgées, tout particulièrement chez les femmes qui, malgré les progrès des dernières décennies, ont statistiquement plus de mal que les hommes à se remettre financièrement d’un divorce, selon Statistique Canada. On pourrait aussi voir davantage de personnes seules qui auront besoin de soins qui, autrefois, leur auraient été prodigués par leur conjoint.

Un phénomène, donc, dont les répercussions pourraient se faire sentir tant sur les finances personnelles que sur les finances publiques !