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On n’a plus les hypothèques qu’on avait

Le 18 mars, de nouvelles normes entourant les hypothèques résidentielles entreront en vigueur au Canada. Suffiront-elles à freiner laspirale de l’endettement dans laquelle les Canadiens sont engagés?

Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, faisait face à un dilemme : comment réduire l’endettement des Canadiens sans provoquer un effondrement du marché immobilier ? Le 17 janvier 2011, il a finalement annoncé trois changements qui resserrent les conditions du crédit hypothécaire sans pour autant fermer l’accès à la propriété:

  • pour les acheteurs dont la mise de fonds est inférieure à 20 % de la valeur de la propriété, la période maximale d’amortissement des hypothèques assurées par le gouvernement passe de 35 ans à 30 ans ;
  • le montant maximal pouvant être emprunté lors du refinancement d’une hypothèque passe de 90 % à 85 % de la valeur de l’habitation ;
  • et le gouvernement cessera d’offrir une garantie d’assurance pour les lignes de crédit garanties par l’habitation, comme les très populaires marges de crédit hypothécaires.

Les deux premières mesures seront en vigueur dès le 18 mars et la troisième, le 18 avril.

Et après ?

Qu’est-ce que ces mesures viennent changer? Une chose, au fond : les montants que les Canadiens pourront emprunter sur leur résidence. En réduisant ces montants, on cherche à abaisser leur niveau global d’endettement, qui est déjà à la hauteur alarmante d’environ 148% de leur revenu disponible. On espère ainsi que moins de citoyens se retrouveront avec des dettes qu’ils ne peuvent plus rembourser dans l’éventualité – prévisible– où les taux d’intérêt augmenteraient.

Comme l’illustre le graphique suivant, l’effet du seul rabaissement de la période d’amortissement semble, a priori, non négligeable.

Mais…

Cependant,il faut savoir qu’en 2010, même si 30 % des acheteurs de maisons ont opté pour une hypothèque de 35 ans, seulement 2 % de tous les acheteurs n’auraient pas pu se qualifier pour une hypothèque de 30 ans. Pour la quasi-totalité, il semble donc qu’un amortissement de 30 ans ne représentera pas un frein important sur le chemin d’une maison plus chère et d’un emprunt plus lourd. En revanche, en les forçant à rembourser plus vite, elle leur permettra de remplacer plus rapidement une dette par de l’épargne.

Les autres effets

Quant à elle, la diminution de 90 à 85 % du taux maximal de refinancement hypothécaire envoie un signal aux consommateurs tentés d’utiliser leur maison comme un guichet automatique. Ce type de dette a augmenté deux fois plus vite que les hypothèques depuis 10 ans et représente maintenant 12 % de l’endettement des ménages.

Enfin,l’élimination de l’assurance gouvernementale sur les marges de crédit hypothécaires est une façon de transférer le risque de crédit sur les institutions prêteuses pour les inciter à resserrer le robinet. Jusqu’ici, celles-ci accordaient très généreusement ce genre de prêts, puisque les risques étaient assumés par les contribuables.

Trois fois plutôt qu’une

C’est déjà la troisième fois, en 26 mois, que le gouvernement fédéral resserre les conditions du marché hypothécaire. En 2008, il avait notamment ramené de 40 à 35 ans la période maximale d’amortissement pour les hypothèques assurées par le gouvernement (maintenant ramenée à 30 ans). Et en 2010, il avait instauré une règle forçant tous les demandeurs de prêts hypothécaires à se qualifier pour une hypothèque de cinq ans à taux fixe, quel que soit le terme envisagé.

À la longue, certains économistes craignent qu’en freinant l’endettement, le gouvernement ne provoque aussi un ralentissement du marché immobilier, voire de la croissance économique. Dans l’ensemble, on s’attend cependant à un effet réel mais modéré, combiné à celui de la situation économique dans son ensemble. La SCHL prévoit qu’en 2011, le nombre de mises en chantier au Canada diminuera de 6,5 % et les ventes de maisons existantes, de 1,1 %. Cependant, le prix de vente des maisons existantes devrait croître de 2,9 %.

D’autres sont cependant moins optimistes et prévoient qu’une hausse des taux d’intérêt, en conjonction avec le resserrement du crédit, entraînera une chute considérable – jusqu’à 25 % ! – de la valeur des maisons sur quelques années.

L’avenir nous dira qui a raison mais, en attendant, les Canadiens ont tout intérêt à entendre le message de prudence qui leur est envoyé par le ministre de Finances.