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Le ticket modérateur pointe de nouveau son nez

La situation difficile de notre système de santé fait en sorte que diverses idées refont leur apparition, épisodiquement, dans le débat public. Celle d’imposer à l’usager des frais dits «modérateurs» est de celles-là, et elle n’est pas sans susciter des levées de boucliers. En quoi consiste-t-elle, au juste?


Il y a environ un mois, la notion de ticket modérateur a été ramenée à l’avant-plan par une personne qu’on aurait pu croire, pourtant, très critique envers ce concept. Ancien ministre provincial de la santé, Claude Castonguay, en effet, est considéré comme l’un des pères de notre système universel et gratuit.


Pas d’hier

Le ticket modérateur, en fait, est l’une des nombreuses options envisagées depuis les débuts de notre actuel système de santé pour exiger de l’utilisateur une contribution individuelle au coût de sa consultation médicale. Selon ses tenants, il comporterait un double avantage :

  • il atténuerait le stress organisationnel sur le système en «modérant», justement, l’usage abusif qu’en feraient certains citoyens; et
  • surtout, il contribuerait au financement du système (dans le cas de la solution Castonguay, cet apport est estimé à 800 millions$ par année pour le Québec).
Avant l’entrée en vigueur, en 1984, de la loi canadienne sur la santé, qui interdit le ticket modérateur, toutes les provinces ont été tentées par ce type de solution. Celle qui est allée le plus loin est la Saskatchewan, qui a adopté un tel système aussi tôt qu’en 1968. La province allait finalement l’abolir sept ans plus tard. Selon la Fondation canadienne de recherche sur les services de santé, l’utilisation annuelle des services médicaux y a diminué de 6% durant cette période, notamment parce que les personnes âgées et à faible revenu ont réduit le nombre de leurs consultations médicales. Pourtant, le coût global des soins de santé, lui, n’a aucunement diminué, un phénomène qu’on lie au fait que les honoraires des médecins ont augmenté et que les gens à revenu plus élevé ont consulté leur médecin plus souvent.


Le Canada, une exception… partielle

Aujourd’hui, le Canada est le seul pays de l’OCDE à fermer la porte au ticket modérateur. La France, la Suède, l’Allemagne et le Royaume-Uni, pour ne nommer que ceux-là, ont tous intégré un tarif modérateur à une vaste gamme de services médicaux.

À la vérité, le Canada n’a pas complètement écarté le principe des contributions individuelles aux frais de santé. Seulement, on a intégré celles-ci au système, principalement, en « désassurant » certains soins qui se sont trouvés, dès lors, à devoir être défrayés par le patient. Plusieurs frais liés aux soins dentaires, dermatologiques ou d’optométrie, entre autres, ont ainsi cessé d’être couverts. Néanmoins, et même si le Canada est l’un des pays développés où la part du produit intérieur brut accaparée par la santé est la plus importante, le concept d’un coût plus visible sous la forme d’un « ticket » demeure, lui, largement tabou.


De quelle couleur voulez-vous votre facture?

Un fait demeure incontesté de tous les observateurs : le poids du système de santé dans nos finances publiques ne cessera pas de croître comme par magie. On estime même que, dans certaines provinces, la santé pourrait bientôt accaparer plus de la moitié du budget.

Les défenseurs du ticket modérateur soutiennent que, même si l’on fait abstraction de l’effet « modérateur », un effort additionnel du contribuable est inévitable. Qu’il vienne d’une augmentation des impôts personnels ou de frais à l’usage n’y change rien : cela revient, au fond, à choisir la couleur de la facture. À tout prendre, mieux vaut ne pas imposer encore davantage une population dont l’impôt sur le revenu est déjà excessif.

Les opposants, eux, soutiennent qu’un ticket rendrait les soins de santé plus difficilement accessibles aux personnes à faible revenu, aux malades chroniques et aux personnes âgées. Et ils ne croient pas que des dispositifs comme la définition d’une contribution maximale ou l’exemption des frais pour certains niveaux de revenus changeraient quoi que ce soit à cette dynamique.


Les Canadiens sont contre

Il semble bien que ces opposants aient la population canadienne de leur côté. Dans un rapport publié en 2002, la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada révélait qu’une majorité de Canadiens se prononçait clairement contre l’idée d’un tel ticket, à tout le moins pour les services de base. En revanche, on se dit ouvert à une plus grande responsabilisation de la population dans l’usage des services et la prise en charge de sa santé.

Une telle façon de voir, on le reconnaîtra, a de quoi laisser songeur. Car il est assez peu probable qu’un petit jogging matinal suffira à nous faire surmonter le défi colossal que constitue le financement de notre système de santé dans les prochaines années. La question de la responsabilité du citoyen face à la santé devra inévitablement porter, tôt ou tard, sur les moyens d’assurer l’accès aux services, quitte, comme le soutient un nombre croissant d’intervenants, à envisager des solutions de financement privées.

Car une chose est sûre : nous allons devoir payer. La question est de savoir comment.


Quelques autres options

Le ticket modérateur est l’une des nombreuses solutions qui sont étudiées par les pouvoirs publics pour atténuer les problèmes financiers de notre système de santé. En voici quelques autres.

Solution Comment ça marche?
La désassurance On restreint ou élimine certains services assurés, quitte à créer un crédit d’impôt pour compenser en partie.
Le compte d’épargne médical Une somme est attribuée à tous les citoyens pour acquitter leurs soins médicaux, peu importe leur revenu. Au-delà, le citoyen peut se tourner vers l’assurance privée.
Les cliniques et hôpitaux privés On permet à des entreprises à but lucratif d’opérer selon les conditions dictées par le ministère de la santé. Ces entreprises estiment pouvoir dégager un profit en opérant plus efficacement.
Les médecins privés ou publics Le médecin choisit d’accepter ou non la carte d’assurance maladie comme paiement.
Les partenariats public-privé (PPP) Le gouvernement allège sa charge comptable en partageant le risque du système avec des partenaires privés.
Les primes de santé Il s’agit d’un impôt en vertu duquel le contribuable verse une « prime de santé » établie en fonction de son revenu.