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Papier commercial : qu'est-ce qui a cloché ?

Pourquoi la crise du papier commercial s'avère-t-elle d'une telle ampleur ?
Bilan d'une idée qui a mal tourné.



La crise du papier commercial n'a pas fini de faire parler. Pourtant, nous avons toujours eu de ce type de placement dans nos portefeuilles… sans le savoir et sans en être inquiétés. Que s'est-il donc passé ?

Nous en avons tous

Le papier commercial (PC) est un produit financier fort répandu depuis des décennies. C'est un véhicule émis par une banque ou une entreprise, généralement pour du financement à court terme. Une banque, par exemple, délivrera un PC à un client en échange d'une somme d'argent, avec la promesse de lui rembourser son capital augmenté des intérêts à l'échéance. En ce sens, les certificats de dépôt, les traites bancaires et les billets à ordre sont des formes de papier commercial.

Les fonds d'investissement sont de grands acheteurs de cet instrument, qu'ils utilisent comme une forme de placement liquide et renouvellent généralement à l'échéance. Par leur entremise, nous avons donc tous du papier commercial dans nos portefeuilles. Souvent, la banque garantit elle-même le papier émis, mais il n'est pas rare que la garantie consiste plutôt en des titres de dette, comme des hypothèques. On parle alors de papier commercial adossé à des actifs (PCAA). C'est ici que le bât blesse : si ces dettes finissent par s'avérer de faible qualité, les grands investisseurs, inquiets, préféreront ne pas reconduire leur investissement à l'échéance et demanderont le remboursement de leur argent. Argent que la banque n'aura plus, puisqu'elle l'aura immobilisé, justement, dans lesdites hypothèques… Et c'est exactement ce qui s'est passé cet automne.

D'où, crise.

En a-t-on trop demandé au consommateur américain ?

L'ampleur de la crise s'explique par l'importance que le PCAA a prise dans la catégorie plus large du papier commercial. Il y a actuellement pour 2,2 billions $ de papier commercial aux États-Unis. Plus de la moitié est constituée de PCAA.

Pourquoi une telle proportion en PCAA ? Reportons-nous au début de la décennie. Les marchés financiers sont en chute et l'économie mondiale, ébranlée (si l'on fait exception de certains pays émergents). Un acteur notable fait preuve d'une étonnante résilience : le consommateur américain. À lui seul, il génère plus de 20 % de la croissance mondiale, alors qu'il ne représente que 4,5 % de la population. C'est que le crédit lui est très accessible : il contracte des hypothèques considérables et obtient ainsi des liquidités pour dépenser massivement. Pour les institutions financières, il était naturel de vouloir puiser à ce rare vecteur de croissance pour offrir de précieux points de rendement additionnels par rapport au PC « ordinaire ».

Mais avec la remontée des taux d'intérêt, le consommateur américain a fini par mettre le genou au sol. Ce qui était une bonne idée en principe est devenu un risque majeur en réalité.

Au Canada

Le marché des hypothèques étant différent au Canada, les banques canadiennes sont moins directement impliquées que les banques américaines. Notre marché, en effet, est globalement sous le contrôle de six grandes banques et les prêts à risque sont rigoureusement contrôlés et assurés. En outre, les intérêts d'une hypothèque ne sont pas déductibles. Aux États-Unis, la déductibilité des intérêts et la possibilité de financer une résidence à plus de 100 % de sa valeur ont constitué un double incitatif irrésistible et dangereux.

Reste, évidemment, que nos banques et autres institutions financières sont sérieusement touchées, puisque toutes transigeaient activement sur l'attrayant marché du PCAA, à la recherche de points de rendement additionnels.

En conséquence…

Présentement, les institutions financières canadiennes sont à évaluer leur exposition réelle au risque du PCAA. Des efforts concertés sont déployés pour restructurer la dette et, à terme, restaurer une liquidité dans le marché et minimiser les pertes.

La majorité des particuliers ne détiennent pas directement de papier commercial. Néanmoins, ils doivent s'attendre à voir les rendements de certains fonds de placement, notamment ceux investis dans les sociétés financières, être affectés par le PCAA pendant plusieurs trimestres. En outre, quiconque voudra emprunter, dorénavant, réalisera que les conditions de crédit se sont sérieusement resserrées.

Cela dit, comme toute autre crise, celle-ci est aussi synonyme d'opportunités pour un investisseur patient. Un grand nombre de titres boursiers sont maintenant en repli. Certains experts estiment que ce pourrait être le bon moment pour commencer à regarnir son portefeuille à bon prix. À quelques semaines d'une autre saison des REER, c'est plutôt une bonne nouvelle... À tout le moins, c'est une idée intéressante à discuter ensemble !