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Au fait, comment se sort-on d’une récession ?

Durant une crise économique, il est naturel de réduire ses dépenses et d’alléger ses dettes. Malheureusement, ce n’est pas comme ça qu’on relance une économie ! Alors, que faire ?

Serions-nous victimes du « paradoxe de l’épargne » ?

Ce concept proposé par John Maynard Keynes pour expliquer la Grande Dépression des années 1930 semble bien s’appliquer à notre situation actuelle. Le paradoxe est le suivant : lorsqu’une crise économique incite tout le monde à épargner, la consommation chute, ce qui fait baisser aussi l’emploi et les revenus de plusieurs familles. Celles-ci ne peuvent plus épargner – ce qui affecte l’épargne globale du pays. Épargner finit donc par aggraver le ralentissement économique – et par nuire à l’épargne elle-même.

Une économie axée sur le consommateur

Dans ce contexte, pas étonnant que des pans importants du dernier budget fédéral soient conçus pour nous inciter à ouvrir nos portefeuilles : réductions d’impôt, crédit à la rénovation, etc. Au Canada, les deux tiers de l’activité économique reposent sur les dépenses de consommation.

Le problème, c’est que le portefeuille de plusieurs est vide. En 2008, l’endettement moyen des ménages canadiens a atteint le niveau record de 90 700 $, ou 140 % de leur revenu disponible. Ces dernières années, notre niveau de dépenses et d’endettement a crû plus vite que notre revenu. Pour plusieurs, dépenser davantage n’est donc pas une option. En outre, certains s’inquiètent pour leur emploi. D’autres, moins vulnérables, dépenseraient volontiers un peu plus, mais les institutions bancaires ont fermé le robinet du crédit.

Un nouveau consommateur

On voit ainsi poindre une nouvelle espèce de consommateur, plus soucieux de son budget. Un sondage récent révélait même que 62 % des ménages canadiens prévoient réduire leurs dépenses en 2009. Dans un tel contexte, mettre un peu plus d’argent dans les poches des contribuables à travers des réductions d’impôt risque d’être insuffisant. Dans les années 1990, les États-Unis ont tenté le coup en offrant des réductions d’impôt forfaitaires : les Américains les ont généralement utilisées pour rembourser leurs dettes.

Alors, comment brise-t-on ce cercle vicieux et relance-t-on une économie ? Une seule réponse : puisque le consommateur ne veut plus dépenser, les gouvernements devront le faire à sa place.

Vers un « bon » déficit ?

C’est là l’esprit des plans de relance mis de l’avant par nos gouvernements. La théorie, largement inspirée de Keynes, veut que le gouvernement soit désormais le seul acteur qui a les moyens d’injecter du courant dans l’économie. Un individu qui dépense massivement risque la banqueroute, mais un gouvernement, lui, tombe en déficit – un poids qui, s’il est bien géré, est partagé par des millions d’individus sur plus d’une génération. Il y aurait donc de « bons » déficits.

Selon Keynes, peu importe, au fond, comment l’argent de l’État sera dépensé, du moment que cela donne des emplois aux gens et leur permette de dépenser. C’est d’ailleurs un peu ce que l’administration Roosevelt a fait dans les années 1930, en faisant construire des routes et des parcs nationaux, et en sortant du coup des millions de travailleurs du chômage.

Agir massivement

À cet égard, les lieux où dépenser collectivement notre argent ne manquent pas : plusieurs de nos routes, écoles et hôpitaux, notamment, ont besoin d’une cure de rajeunissement. Si les programmes sont bien gérés, ils pourraient à la fois créer de l’emploi à court terme et nous doter d’infrastructures qui accroîtront notre productivité à long terme.

Mais tout cela peut également faire peur. Ceux qui ont vécu les années 1980 et le début des années 1990 se rappellent des déficits hors de contrôle de cette période. Le Canada, alors, était parfois comparé à l’Argentine, un pays qui a carrément vécu un effondrement de ses finances publiques.

Malheureusement, la médecine du Dr Keynes ne peut pas être pratiquée à demi-dose… Les études et délais associés habituellement aux dépenses gouvernementales sont même fortement contre-indiqués – ce qui n’est évidemment pas sans présenter des risques d’abus. Est-ce un juste prix à payer ? La réponse dans quelques années.

En attendant, en tant que consommateurs, les règles de base d’une gestion prudente sont plus que jamais au programme :

  • épargner si c’est requis ;
  • dépenser si c’est possible ;
  • et mesurer attentivement les risques et les bénéfices de chaque décision financière !