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Hypothèqués à vie ?

Après avoir conquis les États-Unis, les hypothèques de 35, voire 40 ans viennent de faire leur apparition chez nous. Une solution imaginative… ou un miroir aux alouettes ?


Jusqu’à récemment, une hypothèque amortie sur 25 ans constituait la norme de départ, pour les acheteurs d’une première maison. Plus maintenant. Plusieurs institutions financières permettent désormais d’étirer les remboursements sur 35 ou 40 ans. Depuis juillet, la SCHL accepte également d’assurer les hypothèques de 35 ans pour les acheteurs qui ne peuvent fournir une mise de fonds de 25 % à l’achat.

Les critiques n’ont pas tardé à fuser : si un amortissement plus long produit des mensualités plus légères, il signifie aussi que l’acheteur paiera des intérêts beaucoup plus longtemps. Comme le montre le tableau ci-contre, le montant total des intérêts payés croît spectaculairement avec l’amortissement.

Coût d’une hypothèque de 200 000 $,
à un taux d’intérêt fixe de 6,5 %
Amortissement Remboursement total
Intérêts totaux
15 ans 312 000 $ 112 000 $
25 ans 355 000 $ 155 000 $
30 ans 451 000 $ 251 000 $
35 ans 502 000 $ 302 000 $
40 ans 556 000 $ 356 000 $

Faciliter l’accès à la propriété
Nous vivons ici le revers de la médaille de la croissance du marché immobilier, ces dernières années : les prix ont tellement monté qu’acheter une maison est devenu très difficile pour les premiers acheteurs. Pour atténuer le problème, gouvernements et institutions financières ont mis en place, avec le temps, plusieurs mesures dont l’hypothèque de 35-40 ans n’est que la plus récente :

  • la possibilité de financer une partie de l’achat à même son épargne-retraite ;
  • la possibilité d’acheter une maison avec aussi peu que 5 % voire 0 % de comptant ;
  • la possibilité de ne payer que les intérêts pendant un certain temps (généralement les 10 premières années).


Une solution pour débuter ?
Selon certains, ces solutions permettent aux jeunes acheteurs de s’assurer des mensualités plus abordables pour quelques années, quitte à accélérer leurs remboursements lorsque leurs finances le permettront. Cependant, même à ce compte, la stratégie est discutable. Après seulement 10 ans, notre hypothèque de tout à l’heure, amortie sur 35 ans, aura coûté à un jeune couple quelque 7 000 $ de plus que s’il avait opté pour 25 ans. Pire encore, ce couple aura construit son avoir net beaucoup moins rapidement : il sera moins riche de près de 25 000 $.

Dans un marché en pleine explosion, cette stratégie du « payez de l’intérêt maintenant car vous encaisserez gros demain » serait peut-être défendable. Mais dans un contexte de ralentissement marqué, elle l’est beaucoup moins. Être propriétaire, oui, mais à quel prix ?