Actualis



Et qui s’occupera de notre retraite désormais ?

Avec la disparition annoncée des régimes de retraite à prestations déterminées, c’est la façon dont tous les citoyens voient leur retraite qui va changer. Même ceux qui n’avaient pas de tels régimes !

Question quiz : de qui est la citation suivante ?



« Les régimes de retraite et d’avantages sociaux atteindront un jour des proportions qui dépasseront l’entendement. »

Aucune idée ? Elle est d’Alfred P. Sloan Jr., l’ancien président de General Motors… et elle date des années 1940. Soixante-dix ans plus tard, GM se retrouve acculée à la faillite et ne doit son salut qu’au soutien gouvernemental. Pour des milliers d’employés et de retraités, c’est le doute : qu’arrivera-t-il des généreux fonds de pension et des programmes d’avantages sociaux sur lesquels ils comptaient ?

Chronique d’une fin annoncée

Même si GM établissait à 4,5 milliards de dollars le manque à gagner de sa caisse de retraite en 2008, ce serait beaucoup s’avancer que d’attribuer le sort de l’entreprise à ses seuls régimes de retraite. Mais l’exemple est frappant parce qu’il illustre à quel point les régimes à prestations déterminées, par lesquels une entreprise garantit un revenu de retraite à ses employés, sont devenus une responsabilité lourde à porter pour les employeurs.

Une responsabilité, précisément, dont ils veulent se débarrasser.

Transfert de la responsabilité…
Transfert du risque

Il faut savoir qu’il existe deux grands types de régimes de retraite d’employeurs :

  • les régimes à cotisations déterminées (CD)
  • les régimes à prestations déterminées (PD).

Dans les deux cas, un fonds de retraite est constitué à partir des cotisations faites par les employés et par l’employeur. Seulement, dans le second cas, l’employeur prend un engagement de plus : celui d’assurer un revenu de retraite prédéterminé à son employé, quel que soit le rendement du portefeuille du régime. C’est donc sa responsabilité de renflouer la caisse en cas de manque à gagner. Ce faisant, il se trouve à assumer deux principaux risques :

  • le risque lié au rendement du portefeuille
  • et le risque lié à l’espérance de vie des employés retraités.

Or, au cours des dernières années, ces deux risques se sont matérialisés simultanément. Les rendements à long terme sont plus faibles que dans les décennies précédentes et, comme les retraités vivent plus longtemps, ils puisent pendant de plus nombreuses années au capital du régime. Plusieurs caisses de retraite en Amérique du Nord se retrouvent ainsi très déficitaires – y compris celles de grandes municipalités et d’États.

Et c’est pourquoi plusieurs employeurs veulent désormais transférer ces risques à leurs employés en limitant l’accès aux régimes PD et/ou en convertissant ceux-ci en régimes CD.

Ça change tout

Pour les employés qui espéraient profiter de régimes PD comme leurs aînés, c’est un changement radical : ils ne peuvent plus compter sur l’employeur pour compenser une contre-performance de leur régime. Ils doivent eux-mêmes faire des choix qu’ils n’avaient pas à faire dans le passé, pour assurer à eux-mêmes et à leur ménage des revenus de retraite suffisants jusqu’à la fin de leur vie.

Toutes les personnes qui ne comptent pas sur un régime de retraite d’employeur, en particulier les travailleurs autonomes, savent à quel point ce n’est pas évident. Et ça le devient encore moins lorsque l’ensemble de la force de travail se retrouve à devoir « gérer l’incertain ». Peut-on vraiment s’attendre à ce que chaque citoyen apprenne à administrer ce que les actuaires appellent leur Quotient de durabilité du revenu de retraite?

Évidemment, rien n’est moins sûr. Et les gouvernements sont soudainement en train d’en prendre conscience.

Vers un nouveau système de retraite

Le problème, c’est que pendant cinq à six décennies, les régimes à prestations déterminées ont constitué un des piliers du système de retraite au Canada. Certes, seuls 20 à 40 % des travailleurs en bénéficiaient, selon les provinces. Mais c’était déjà une bonne partie du problème de réglée pour ces travailleurs, ce qui relâchait d’autant la pression sur les deux autres composantes du système : les régimes individuels comme le REER et les régimes publics.

S’il faut que le premier de ces trois piliers disparaisse, plusieurs analystes craignent que ce soit l’ensemble du système qui devra être revu. Déjà, prévoit l’Institut C.D. Howe,1 seul le tiers des ménages canadiens épargnent assez pour couvrir ce que seront leurs dépenses courantes en 2030.

C’est pourquoi, au cours de l’été, des réflexions ont été entamées aux deux niveaux de gouvernement en vue de mettre sur pied de nouveaux régimes ou de nouveaux fonds pour assurer un meilleur revenu aux retraités canadiens dans le futur.

Cependant, quel que soit l’avenir de notre système de retraite, un fait est désormais incontournable : de plus en plus de citoyens devront planifier leur avenir financier, avec l’aide de leurs conseillers en sécurité financière, en assumant davantage de responsabilités pour assurer leur revenu de retraite.

Et c’est là l’un des plus importants défis auxquels nous devrons tous faire face au cours des prochaines années.


1 L’Institut C.D. Howe est un centre d’études et de recherche en matière d’économie et de politique sociale.