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À quand le beau temps ?

Après les deux mois que nous venons de vivre sur les marchés, plusieurs se posent une question fort légitime : reverrons-nous la couleur de l’argent que nous avons perdu ? Et quand ?

Nul besoin d’y revenir en détail : depuis juillet, toutes les personnes qui ont de l’argent investi à la bourse ont vu la valeur de leurs placements dégringoler. Plus de 40 % si l’on se fie à certains indices. De telles baisses peuvent-elles être récupérées ? L’histoire nous enseigne que oui. À condition de poser les bons gestes – et surtout de ne pas poser les mauvais.

Un peu de mathématique

Rappelons d’abord une règle mathématique fort simple : 50% de baisse n’égale pas 50% de hausse. Si nos placements perdent 50 % de leur valeur, il ne suffira pas qu’ils enregistrent ensuite un rendement de 50 % pour nous ramener au même point. Ils devront plutôt augmenter de 100 %, puisque la somme investie aura maigri de moitié. Ainsi, une personne qui a vu son portefeuille, cet automne, passer de 10 000 $ à 7 000 $ a enregistré une perte de 30 %. Pour se refaire, elle a maintenant besoin d’un rendement non pas de 30 %... mais de 43 %.
Peine perdue ? Si on lit trop les journaux, oui, mais si on se fie au passé, non.

La dynamique des marchés

Parce qu’ils sont liés aux attentes, aux prévisions et aux émotions des investisseurs, les marchés sont, par nature, volatils. Résultat : presque une année sur trois, en moyenne, un investisseur peut s’attendre à perdre de l’argent en bourse. Mais voici la contrepartie : les deux autres années, il en fera, et parfois de façon spectaculaire. Depuis 1920, l’indice canadien S&P/TSX a connu 29 années de marché baissier, au cours desquelles le rendement moyen fut de -12 %. Mais il a aussi connu 59 années haussières, avec un rendement moyen de +17 %.  Après une perte, la logique veut donc qu’on demeure suffisamment longtemps dans le marché pour se refaire et obtenir, à long terme, un rendement positif.

Certes, il y a longtemps… et longtemps. Après la grande dépression des années 1930, événement exceptionnel, les marchés ont mis deux décennies à se rétablir pleinement. Et les crises successives des années 1970 ont aussi mis la patience des investisseurs à l’épreuve. Mais à long terme, les marchés sont manifestement haussiers.

La nature humaine

En fait, devant une baisse sur ses placements, un investisseur peut prendre plusieurs décisions différentes. À titre indicatif, des études ont établi le temps qu’il aurait fallu à un investisseur pour rentrer dans son argent compte tenu de ces différentes décisions, après une autre crise boursière majeure, celle de 1974. Ces études sont basées sur l’indice S&P 500, le plus représentatif de la bourse américaine, et sur l’hypothèse que la personne a fait son investissement en dollars canadiens, au sommet du marché. Voici ce qu’elles révèlent :

  • 6 ans pour récupérer ses pertes
    si la personne a liquidé son portefeuille pour se réfugier dans des placements garantis
  • 5 ans
    si elle a d’abord tout vendu, puis est revenue dans le marché un an plus tard
  • 2 ans
    si elle a conservé ses actions
  • moins de 2 ans
    si elle a doublé son investissement initial, soit par une somme forfaitaire soit graduellement.

Dans cet exemple, le meilleur choix aurait donc été de conserver son placement –ou même d’investir des montants additionnels.

Égaliser sa mise

Cet exemple montre qu’un marché déprimé ouvre une fenêtre rare pour l’investisseur opportuniste – y compris celui qui vient de voir ses placements dégringoler. Imaginons par exemple qu’un investisseur a acheté pour 10 000 $ d’un fonds dont les parts se négociaient à 100 $ l’unité (soit 100 parts). Au cours des 18 mois suivants, ce placement perd 50 % de sa valeur. Mais au lieu de paniquer, la personne continue de croire à son choix et, après une légère hésitation, elle rachète de nouvelles parts pour une valeur de 10 000 $, cette fois à 50 $ (soit 200 parts). Elle se retrouve ainsi avec 300 parts.

Imaginons toujours que, trois ans après le premier investissement, le prix des parts se soit rétabli à 100 $. Quel est le résultat pour la personne? Elle se retrouve avec une valeur de 30 000 $ (300 parts à 100$), alors qu’elle n’a investi, au total, que 20 000 $. C’est un rendement appréciable… Pourtant, les parts ne sont revenues qu’à leur valeur initiale.

Le temps, plus que le timing

Un autre facteur plaide en faveur de rester dans le marché : c’est que les rendements boursiers ne sont jamais linéaires. On ne peut prévoir avec précision quand ils surviendront. En fait, au cours des 10 dernières années, une personne qui a été absente du marché pendant seulement les 20 meilleures journées s’est privée de 80 % de son rendement. Et si elle a raté les 30 meilleures journées… son rendement est carrément négatif ! On ne saurait trop insister, donc, sur le fait que la durée de l’investissement est beaucoup plus importante que le moment où on entre ou sort du marché.

Mais… est-on l’aise avec le risque?

Finalement, pour les épargnants que nous sommes tous, les crises financières ont une vertu : celle d’agir comme un révélateur.

Au cours du vingtième siècle, les marchés boursiers se sont massivement démocratisés : tout épargnant, à partir d’un investissement modeste dans un fonds de placement, peut aujourd’hui y participer et espérer obtenir de solides rendements à long terme. Mais la dynamique des marchés, elle, n’a pas changé. Elle est toujours faite de risque et de volatilité. Et c’est une chose d’établir son profil d’investisseur en affirmant qu’on est prêt à subir des baisses momentanées de 20% à 30% – mais c’en est une autre de voir vraiment ces baisses dans son portefeuille.

Aujourd’hui, plusieurs épargnants réalisent que leur profil d’investisseur ne correspond pas à leur tolérance réelle au risque. Que devraient-ils faire? Comme nous l’avons vu plus haut, liquider leur portefeuille à perte est loin d’être le meilleur choix. Cependant, on voit apparaître un nombre croissant d’instruments de placement qui se proposent de prendre en charge le risque du marché à la place de l’épargnant, en lui offrant des garanties quant au capital, à la croissance et au revenu de retraite. Il s’agit de produits complexes assortis de frais plus élevés. Mais les personnes qui désirent continuer de participer aux marchés tout en étant incapables d’en accepter le risque devraient s’informer à ce sujet. Une révision de portefeuille est indispensable lorsque votre situation change, et que vous constatez que votre tolérance au risque n'est plus la même.

Quant aux autres, rappelons que les analystes prédisent la fin de la crise financière et de la récession mondiale d’ici un an ou deux, sous l’effet des plans de sauvetage des gouvernements et d’une baisse des prix du pétrole.

Autant de temps – car il y un bon côté – pour continuer à investir, année après année, et récolter, ultimement, un rendement plus que satisfaisant.