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Arrêtez les marchés. Je veux descendre!

Quel automne… Les indices boursiers jouent au bungee et le système financier mondial est comme un boxeur qui se relève d’un knock-out.  Et l’investisseur ordinaire, dans tout ça?

Depuis la mi-septembre, la bourse canadienne, dans le sillage de la bourse américaine, enregistre des mouvements spectaculaires. À preuve, ces variations quotidiennes d’environ 8 %… à la hausse le 19 septembre, puis à la baisse le 29… le tout suivi par des chutes quotidiennes de plus de 5 % dans les deux premières semaines d’octobre.

Le marché boursier canadien, tout comme ceux du monde entier, semblait se demander où s’arrêterait la crise du crédit qui ébranle le système financier mondial. Il y a quelques jours, les nouvelles se sont faites plus encourageantes, avec la mise en place d’un plan de relance mondial qui a redonné confiance – pour combien de temps ? – aux marchés. En début de séance mardi, le S&P/TSX bondissait de 14 %. De quoi avoir le vertige.

Pas pareil ?
Ce n’est pas la première fois que les marchés nord-américains donnent le tournis. A-t-on déjà oublié l’après-11 septembre 2001 ? L’éclatement de la bulle technologique ? La « grippe asiatique » de 1997 ? En fait, depuis 1945, il y a eu pas moins de 12 marchés baissiers en Amérique, avec une chute moyenne des cours de 30 % si l’on se réfère à l’indice S&P 500. Le présent « bear market », avec son repli de 44 % en date du 10 octobre, n’est pas le plus sévère du lot : en 2000-2002, le S&P 500 avait carrément perdu la moitié de sa valeur.

Comme on le sait, chaque fois, les marchés ont rebondi et récompensé les investisseurs qui sont restés patients. Reste qu’une telle volatilité a de quoi rendre nerveux. Surtout que, cette fois-ci, la crise est au cœur même du système financier : tout le modèle d’affaires de Wall Street s’écroule et, avec lui, certaines des plus grandes institutions financières au monde.Certains États, comme l’Islande, se retrouvent eux-mêmes à court de liquidités.

À la fin des années 1980, dans une autre crise financière majeure, des millions d’Américains avaient vu leurs caisses d’épargne faire faillite, et même la société qui assurait ces dernières. L’épisode avait été douloureux, mais le système bancaire en était ressorti amélioré, et les bourses s’étaient également rétablies. Avec les mesures de sauvetage qui sont maintenant mises en place, on peut prévoir qu’il en sera de même cette fois-ci. Mais, entre-temps, grands financiers comme petits investisseurs ont tout intérêt à tirer les leçons de ce gâchis et à repenser un élément qui est au centre de toute stratégie de placement : la gestion du risque.

Wall Street réapprend le risque
Les grandes institutions disposent d’outils sophistiqués pour gérer avec précision le risque inhérent à leurs opérations, qu’il s’agisse d’investissements ou de crédit. Alors comment ont-elles pu laisser se produire une crise du crédit qui leur fait frôler la faillite?

C’est que nous avons affaire à la concrétisation d’un risque que les spécialistes appellent systémique : la probabilité, en principe très faible, que l’ensemble du système financier soit paralysé par des engagements croisés que les institutions ne sont plus en mesure d’honorer. Or, au cours des dernières années, ces dernières ont instauré des instruments de crédit à ce point complexes qu’ils devenaient opaques même pour leurs outils les plus avancés. Ce faisant, elles ont perdu de vue le fait que ces instruments reposaient ultimement sur un seul vecteur - la croissance artificielle de la consommation américaine - et elles se sont trouvées à accroître un tel risque.

Lorsqu’elles l’ont réalisé, la crise faisait déjà domino. Le temps et les moyens leur ont manqué pour reprendre le contrôle. La crise a aussitôt contaminé les places boursières et ne manquera pas d’avoir des effets sur l’économie « réelle » : la croissance, les emplois, les prix à la consommation…

Mieux gérer son propre risque
Voilà de quoi faire réfléchir l’investisseur moyen : si les plus grands peuvent se tromper, qu’en est-il de nous ? Avons-nous bien évalué le risque inhérent à nos propres finances ?

Ce n’est certes pas le moment de remettre en question son portefeuille si celui-ci est bien construit. Mais je crois que la crise nous fournit une bonne occasion de nous asseoir, comme nous le faisons régulièrement, pour discuter de la question du risque. À cet égard, rappelons d’emblée cinq principes incontournables.

  • Il n’y a pas de placement sans risque.
    Même les placements dits « s rs », comme les obligations, présentent des risques :
    • ils peuvent nous appauvrir si leur rendement est grugé par l’inflation et l’impôt ;
    • ils peuvent nous laisser avec trop peu d’argent pour financer nos projets ou notre retraite ;
    • ils nous exposent au risque, bien que limité dans le cas des titres de qualité, que l’institution ne puisse nous rendre notre argent au moment voulu.
  • Le risque, ce n’est pas seulement la volatilité.
    Le risque, c’est aussi que la volatilité se manifeste au moment précis où on a besoin de puiser dans son portefeuille. C’est aussi que le portefeuille se trouve, à ce moment, surexposé à des secteurs en particulier. Les personnesqui ont pris leur retraite l’année dernière prennent douloureusement conscience de ce facteur cette année.

Évolution de l’indice et des sous-indices
de la bourse de Toronto
Au 10 octobre 2008

 

1 an

5 ans

Sociétés financières

- 34 %

+ 14 %

Énergie

- 41 %

+ 45 %

Technologies de l’information

- 43 %

- 19 %

Consommation de base

- 28 %

- 14 %

Consommation discrétionnaire

- 41%

- 10 %

Santé

- 40%

- 60 %

Industries

- 36 %

+ 1 %

Immobilier

- 40 %

+ 6 %

Ressources naturelles

- 36 %

+ 65 %

Télécommunications

- 30 %

+ 30 %

Services publics

- 27 %

+ 10 %

S&P/TSX composite

- 37 %

+ 17 %

Source : Yahoo Finance

  • La première protection contre le risque, c’est la diversification.
    Au cours des trois derniers mois, l’indice S&P/TSX a enregistré une perte de 33 %, alors que l’indice des fonds communs canadiens équilibrés n’a chuté que de 17 %. C’est en temps de crise qu’on réalise le plus à quel point il est important de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
  • Gérer le risque exige du sang froid.
    Les marchés financiers sont sans pitié pour les investisseurs qui agissent sous le coup de leurs émotions. Des études ont démontré que ceux d’entre eux qui entrent et sortent du marché de façon impulsive se privent de près de 70 % de rendement sur une période de 25 ans. C’est que les marchés ne sont pas linéaires : si on en est absent durant les quelques jours où ils enregistrent leurs plus forts gains, on se prive de l’essentiel de leur croissance.
  • Le risque va au-delà du placement.
    Nul n’est à l’abri d’un effet domino. Pensons à une personne qui travaille dans les ressources naturelles, dont la maison est lourdement hypothéquée mais croît rapidement en valeur, qui possède des actions de son entreprise par un programme d’achat et a un REER investi dans des fonds canadiens fortement pondérés… dans les ressources. Si par hasard l’économie ralentit significativement et que le secteur en pâtit, cette personne verra soudain à la fois son emploi, son hypothèque, sa maison et son épargne-retraite en péril. C’est pourquoi une gestion de risque adéquate doit tenir compte de toutes les facettes de la situation personnelle qui peuvent représenter un risque :
    • l’épargne
    • les investissements
    • les emprunts
    • l’emploi
    • la santé
    • etc.

Au fond, gérer le risque consiste à se poser la question : et si ? Et si on s’était trompé ? Et si tout dérapait ? Certes, il ne sera jamais possible de prévoir un plan B pour toute situation. Mais une bonne gestion du risque devrait aider à bien circonscrire les principaux risques liés à notre situation financière.